Débourrement
L'hiver tirait sa révérence, laissant encore un fond de froidure dans l'air, mais quiconque savait observer la nature se rendait compte du réveil de celle-ci. En de nombreux endroits dans le parc du domaine, les fleurs printanières illuminaient de leur couleurs vives les pelouses et les sous-bois. Le jaune des narcisses et des jonquilles se mêlait au bleu du muscaris tandis que de petites touffes de perces-neige laissaient planer une ombre blanche sous les hêtres et les tilleuls.
Ce matin-là, après avoir recouché Lucille et Marie et juste avant de déjeuner calmement avec Ginger, Alenya s'était rendue entre les rangées de vignes afin d'évaluer le réveil de celle-ci. Les consignes laissées pas Drum étaient claires : la vigne "pleurerait". Les pleurs constituaient la première manifestation externe du passage de la vie ralentie à la vie active. Ils indiquaient la reprise d'activité des racines, stimulées par le réchauffement du sol. Des écoulements liquides avaient commencé quelques semaines auparavant, à la section des sarments taillés.
Arrivée auprès des premiers pieds, Alenya put constater que les pleurs prenaient de l'importance, allant jusqu'à mouiller parfois entièrement la souche. Les bactéries présentes dans le liquide contribuaient à former une masse gluante à la surface des plaies et l'écoulement s'arrêterait au bout de quelques jours.
Alenya parcourut quelques allées , examinant ça et là l'intensité des pleurs ou l'état de cicatrisation des plaies. Puis, satisfaite, elle rentra au domaine.